mardi 10 septembre 2013

Super Teacher se fait tester

Le collégien du mois de septembre part à la recherche des limites de chaque prof. 

Telle une petite fouine, le collégien a une stratégie, certes inconsciente, mais profondément ancrée dans son ADN. Dès les premiers cours, il va chercher à savoir très vite dans quels cours il pourra s'amuser et dans lesquels il vaut mieux se tenir correctement.
Ainsi commence un doux combat entre le prof et sa classe. Le gagnant le sera pour toute l'année, voire pour toutes les années suivantes. Tu comprends, chéri-lecteur, que le prof a sacrément intérêt à bien jouer ses cartes.
Au départ, surtout, on n'imagine pas à quel point cela se joue sur de TOUS PETITS détails. Parfois, je repense à des réactions que j'ai eu et qui j'en suis sûre, m'ont plombée pour toute l'année avec une classe.

Quand tu fais ta rentrée dans un établissement où les élèves te connaissent déjà, c'est plus simple, tu as moins à faire tes preuves. Mais il n'empêche que les petites situations d'affrontement de début d'année sont toujours là avec certaines classes.
Heureusement, je me suis rendu compte à quel point je les gérais mieux qu'il y a deux ans (même si c'est loin d'être parfait...) et je comprenais mieux le fonctionnement d'une classe.

Mise en situation n°1:

Ce matin même, je fais mon cours, tout le monde écoute, puis au fond de la classe, j'entends un tchip. Moi, les tchip* dans ma classe, j'aime pas trop ça.
Alors je dis "Moi, les tchip dans ma classe, j'aime pas trop ça". Sans m'énerver, juste j'avertis. Histoire qu'on soit sur la même longueur d'onde, les mecs.

20 secondes après, j'entends un autre tchip. Tu vois le genre. Genre je me fous de ta gueule. Et là, chéri-lecteur, c'est exactement le type de situation où la classe entière (à travers le courage soudain d'un kéké) te teste et où énormément de choses peuvent se jouer.

Je sens littéralement la classe se tendre, entre rires nerveux retenus et angoisse de la part des sages (qui se sentent toujours plus coupables que les autres, étrangement).
Hé hé hé, je m'en fous, moi je sais comment vous faire stresser.
Donc, je me tais, l'oeil noir tel celui de la meuf qui rentre seule à 2h du mat sur la ligne 4 et qui a vraiment, vraiment pas envie qu'on vienne la faire chier. Je me lève lentement et me déploie de tout le long de mon mètre 35. Impressive, I know.
Et dans le silence de la classe fébrile, je commence à parler, doucement puis de plus en plus fort pour finir par tonner "J'espère que je viens bien de rêver, là. Qui est l'élève en train de se FICHER de moi ?" (je te jure, chéri lecteur, tu m'as jamais entendu tonner. Je tonne super bien, moi).

Les élèves que je soupçonne évidemment se rétrécissent et les sourires narquois s'effacent. Bingo. Le truc, c'est la colère froide. Moi, je kiff la colère froide. Parce que la colère vénère genre je fais un ulcère et si ça continue je fais caca par terre, bin les élèves, ça les impressionne une fois, puis après ça les fait marrer et ils font tout pour te faire tourner en bourrique et voir cette fameuse veine saillir sur ton front tout rouge. Je le sais, j'ai testé. (mais non, bordel, j'ai pas fait caca par terre, essayez de suivre un peu).


Mise en situation n°2 : 

J'écris gentiment la leçon au tableau et je sens que derrière moi, ça commence à s'agiter. Normal, je ne leur en veux pas, ils essayent juste de voir comment ils vont pouvoir se comporter cette année et à quel moment ils peuvent se relaxer les maxillaires.
J'attends. Le bruit enfle.

Réaction normale de la part d'un prof débutant, c'est-à-dire de quelqu'un qui vient du vrai monde, le monde civilisé :
Je me retourne et je m'adresse à la classe entière. "Comment voulez-vous prendre le cours correctement si vous parlez, et blablabla, le silence, et bloubloublou, sinon j'efface tout et blébléblé". Bin oui, normal, tu fais comme si tu avais face à toi une assemblée d'adulte qui comprend les conséquences, qui ne veut pas te manquer de respect et qui a un peu d'empathie pour toi, le naze tout seul devant son tableau.

Malheureusement, même si je les aime très fort, souvent, les collégiens ont une bonne part de cruauté. L'empathie avec le prof, ils se la carrent au cul. Le respect dû à un semblable, hop, avec l'empathie, dans le cucul au fond à droite.

C'est pourquoi s'adresser à la classe entière et faire une leçon de morale, ça n'a en gros presque aucune chance de marcher (bon, je parle pour moi, of course... Je suis sûre que certains profs y arrivent très bien). Surtout que dans le lot, les trois quarts des élèves n'auront rien fait et se sentiront (avec raison) accusés à tort. Voilà qu'en 2 minutes, le prof se sera aussi mis à dos les élèves tranquilles, sans que les vrais relous n'aient reçu la moindre punition ou remarque.

Réaction de la part d'un prof qui a plus de 6 mois d'expérience et a appris de ses douloureuses erreurs :
Je me retourne et m'adresse à un, deux voire trois élèves que j'ai VRAIMENT entendu parler. Et je leur demande, sans crier, si je les dérange et s'ils veulent que leur amène une tasse de thé. Par contre, là, il faut bien jouer, c'est-à-dire rester très froid et distant, sinon tu peux être sûr que l'un d'entre eux va te répondre "Oui, merci bien !" pour faire rire la classe. Bon. Si tu as évité l'écueil classique de la tasse de thé, normalement, les élèves ont honte de s'être fait prendre la main dans le sac et un peu enchaîné par le prof. Ils se taisent et les autres aussi car ils n'ont pas envie d'être les suivants.


Conclusion : le début de l'année, moi, je trouve ça toujours un peu comparable à un combat silencieux avec certaines classes (une seule, pour l'instant). Je vois que j'ai déjà plus d'armes et mieux affutées qu'avant. Mais si j'ai gagné quelques batailles, je n'ai pas encore gagné la guerre !


*mais si, le tchip, tu sais, ce son qu'on fait en faisant la bouche de Donald Duck... Vas-y là, elle est où ta culture ghetto ?

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